Great Barrier Island appelée aussi Aotea (le nuage blanc en maori) est l’île des superlatifs ; c’est probablement l’un des coins que l’on préfère en Nouvelle Zélande. L’île fait 35 kms de long et 15 dans sa partie la plus large. Il est assez incroyable de constater qu’une île aussi belle et proche d’Auckland soit autant préservée et peu urbanisée.
Nous partons tôt le matin vers 7H avec un vent de sud-ouest à 30 nœuds. Nous avons une cinquantaine de miles à parcourir avant d’arriver à Port Fitzroy. Malgré le froid, nous apprécions la navigation ; d’ailleurs le ciel s’éclaircit peu à peu laissant passer quelques rayons de soleil qui nous réchauffent doucement.
Nous passons au large de Little Barrier Island où il est quasi impossible de mouiller mais de toutes manières, il est interdit d’accoster sur l’île sans autorisation spéciale car c’est une réserve naturelle protégée.
Arrivés à Port Fitzroy, Florent se mets à se moquer de moi : « es-tu sûre que c’est dans ce ‘trou’ paumé que l’on va trouver une épicerie bien achalandée, un office du tourisme et un loueur de voitures ? ». J’avais lu un guide touristique qui mentionnait tout cela mais il est vrai qu’en arrivant dans ce mouillage sauvage, beau et isolé, on a du mal à se le figurer…Et pourtant ces 3 services sont bien présents.
Nous faisons quelques courses à prix d’or puis partons nous balader. Une petite randonnée appelée mystérieusement Old Lady Track mène à un promontoire rocheux qui surplombe le port de Fitzroy La vieille dame devait être en très bonne condition physique car il y a quand même 200 mètres de dénivelé. Mais notre effort est vite récompensé car au somment la vue panoramique embrasse tout Port Fitzroy.
Quelques jours plus tard, nous changeons de mouillage pour Kaiaraara Bay point de départ de nombreuses randonnées. Il est notamment possible de rejoindre en 15 minutes Kaiaraara hut qui comme son nom l’indique est un refuge situé près d’une jolie rivière qu’enjambe un pont suspendu qui amuse beaucoup nos enfants.
Le mont Hirakimata ou mont Hobson est le point culminant de l’île du haut de ses 627 mètres. Il existe plusieurs voies d’accès pour atteindre son sommet dont l’une, la kaiaraara track, part justement de la baie du même nom. Il faut deux bonnes heures pour en venir à bout. Le chemin est assez encaissé et les marches d’escalier hyper raides ; à croire que les kiwis ne connaissent que la verticalité ! En chemin, l’on croise pas mal de vasques dans lesquelles l’on peut se rafraichir ou se baigner. Mais pour ma part je n’ai qu’une envie : arriver rapidement au sommet afin d’admirer la vue à 360° avant que le ciel ne s’obscurcisse complètement. Il n’y a que 600 mètres de dénivelé mais je trouve le sentier épuisant. Enfin arrivée au point géodésique, pour me récompenser de mes efforts, un épais brouillard m’attend et la vue est quasi inexistante en raison de gros nuages gris menaçants. Je suis assez déçue même si j’arrive à entrevoir çà et là, à l’occasion de quelques trouées, un coin de la côte est qui me stupéfie. J’aperçois notamment d’immenses plages de sable blanc qui contrastent avec la côte ouest et ses forêts. Cela me conforte dans l’idée qu’il faut absolument que nous louions une voiture afin d’aller explorer ce côté-là de l’île.
Je me régale d’un repas gastronomique composé d’une boite de sardines accompagnée de son suprême de pain dur puis entreprend la descente par un sentier différent afin d’effectuer une boucle.
Le South Fork Track est un peu plus long mais la pente est plus douce. Autre avantage, il n’y a des marches d’escalier qu’au début et le sentier est plus aérien offrant de beaux points de vue. Je croise quelques vasques mais je ne veux pas m’arrêter car j’ai prévu de rejoindre Florent et les enfants à la rivière près du refuge. Le téléphone ne passant pas, notre heure de rendez-vous est plus qu’approximative et c’est stupéfaits que nous nous retrouvons à 5 minutes d’intervalle au lieu initialement prévu !
L’eau de la rivière est glaciale malgré le soleil taquin qui est revenu pendant que je redescendais . Philosophe, je me dis que c’est mieux comme cela que l’inverse : ce grand ciel bleu nous invitant à la baignade en famille .
Il n’est cependant pas très facile de rentrer dans l’eau froide. J’entreprends une drôle de technique afin de laver mes cheveux. J’essaye de ne mouiller que ma tête en évitant à tout prix de mouiller mon torse. Et c’est là, que la tête pleine de mousse de shampoing, je croise le regard embarrassé de Florent qui me dit : « il y a un garde forestier derrière toi ». Vu sa tête, je comprends que pour une fois, il ne blague pas. Mince, j’aurai été moins gênée si j’avais été nue ! Inutile de préciser que mettre de la mousse et du savon dans une rivière en Nouvelle Zélande n’est pas vraiment apprécié par les rangers. A ce moment, il n’a plus été question d’eau froide, de congélation ou d’hypothermie, j’ai plongé d’un coup sous l’eau espérant dissoudre rapidement les preuves de mon méfait écologique. Le garde forestier s’est lentement approché de nous et nous, nous nous tenions droits, tels des enfants pris en faute et prêts à encaisser son sermon. Mais à notre grande surprise, il a commencé par nous sourire (à ce moment, on s’est dit que c’était l’amabilité et la politesse kiwi requises avant l’engueulade réglementaire, voire la contravention) mais il s’est contenté de discuter jovialement avec nous sans mentionner que la rivière n’était pas faite pour se laver. Glupps… On a eu chaud, enfin plutôt froid, puis chaud enfin vous avez compris.
Enfin débarrassés de nos miasmes, nous sommes retournés au bateau et là, le mont Hobson s’élevait, resplendissant dans un ciel bleu, pur et dégagé. Sacré farceur ! Je me suis promis d’y regrimper un de ces jours.
Ceux qui connaissent Great Barrier Island, pourrons nous reprocher de nous infliger des bains glaciaux en rivière alors que dans pratiquement la baie d’en face, Smokehouse Bay, l’on peut prendre un bain avec de l’eau chaude. Mais c’est que nous ne le savions pas à l’époque. Des copains nous avaient bien parlé d’une baignoire en plein air avec de l’eau chaude à volonté mais l’on n’y croyait qu’à moitié…
D’ailleurs ce mouillage devrait plutôt s’appeler Laundry Bay ou Hot Bath Bay car non seulement le site est équipé d’un fumoir à poisson mais aussi de bacs pour laver son linge, d’étendoirs pour le sécher et de deux baignoires pour se laver après tous ces efforts. L’eau est chauffée par un poêle à bois qu’il faut alimenter après avoir coupé des bûches. Il y a également des tables de piquenique, des toilettes et des balançoires. L’une des baignoires est à l’extérieur et l’autre dans une petite cabane pour plus d’intimité. Comme souvent en Nouvelle Zélande, il y a une honesty box dans laquelle vous pouvez mettre la somme que vous voulez en échange de l’utilisation de ces équipements. Les sous servent plus à entretenir le lieu qu’à faire du bénéfice.
Les enfants se délectent dans leur bain chaud et ne veulent plus en sortir. On arrive enfin à les en extraire en leur proposant de partir à la pêche aux moules. A marée basse, il y en a plein et nous apprécions particulièrement les petites bleues. Nous nous régalons.
En parlant de régal, il y a une bonne adresse à na pas manquer à Great Barrier Island si l’on veut se ravitailler en fruits et légumes bio et frais. Il existe une exploitation agricole qui s’appelle Okiwi Passion, tenue par un couple très sympa, Caity et Gerald Endt. Ce n’est pas trop loin de Port Fitzroy mais il faut quand même faire du stop pour s’y rendre (l’autostop marche assez bien sur l’île).
Je m’entends tout de suite bien avec Caity qui parle très bien français car elle a vécu 12 ans en Algérie lorsqu’elle était enfant ; cela crée des connivences. Elle me parle de Gerald qui est insuffisant rénal et qui doit s’autodialyser 3 fois par semaine durant 6 heures. Il est en attente d’une greffe rénale qui lui simplifierait bien la vie.
Dernier truc à savoir : l’on peut même commander des paniers bio en les appelant à l’avance : 09 429 0137 ou en les contactant : okiwipassion@farmside.co.nz. Et pour ceux que cela intéresserait, ils prennent des woofers.
Intrigués par cette belle côte est entraperçue depuis le sommet du mont Hobson, nous décidons de louer une voiture afin d’explorer l’île. A l’époque, nous ne savions pas que c’était deux fois plus cher à Port Fitzroy qu’à Claris ou Tryphena. Mais la propriétaire du véhicule ne manque pas de nous signaler que le kilométrage est illimité. Sur une île de si petite taille, cela nous fait une belle jambe ! D’autant plus, qu’elle prend bien soin de nous indiquer toutes les pistes de 4x4 où nous ne pouvons pas accéder avec ce véhicule léger. Malgré ces remarques quelques peu acerbes, nous ne regrettons pas cette location de voiture car elle nous permet d’explorer le Nord de l’île et surtout la côte est qui, très souvent exposée aux vents dominants, rend le mouillage difficile.
Great Barrier Island nous conquit avec ses paysages exceptionnels ; l’île est tout en contraste et c’est étonnant sur une aussi petite superficie. Nous passons d’une côte ouest intimiste et très boisée à des lagunes, des plages de sable banc et des dunes à l’est. Sans parler des pics montagneux qui culminent en son centre et de Windy Canyon et ses drôles de rochers.
Pour le déjeuner, nous nous arrêtons à Claris dans le seul café ouvert qui propose des encas (le Claris Texas Café). Après avoir hésité entre des paninis et des nachos, nous optons pour ce dernier choix qui s’avère calamiteux : la nourriture est grasse et écœurante. Nous n’avions pas vraiment compris de quoi il s’agissait en choisissant ce plat…
Après ce festin digne d’un chef 3 étoiles, nous décidons (le ventre lourd avec des remontées acides) d’y remédier en allant nous promener aux Kaitoke Hot Spring. Si la balade qui y conduit est jolie en elle-même, les pseudos hot spring ont peu d’intérêt : le niveau d’eau est bas, il y a beaucoup de touristes et on a déjà les jambes comme des poteaux alors pas besoin de les mettre dans de l’eau à 40°.
Pour couronner le tout, un panneau informatif signale le risque de méningite amibienne en cas d’immersion dans le bassin ! Non merci. Avec les nachos de midi, on a déjà pris assez de risques comme ça pour aujourd’hui.
Une fois la voiture rendue à sa propriétaire, nous allons mouiller devant Kaikoura island. Ses deux mouillages sont très jolis et peu fréquentés, c’est d’ailleurs surprenant.
Le lendemain, nous mettons les voiles vers la baie de Whangaparapara située sur la côte sud-ouest de l’île. C’est un mouillage bien abrité et comme le vent forcit, l’on cherche à se mettre à l’abri. En chemin, nous apercevons au large un groupe de baleines et là s’ensuit une discussion houleuse entre l’équipière et le capitaine au sujet de la nécessité de tirer un bord afin d’aller observer les cétacés. Finalement, j’obtiens gain de cause et notre cap est modifié. Ces rencontres sont toujours magiques mais je dois reconnaitre que la suite de la navigation avec un vent de 30 nœuds dans le nez n’est pas très agréable. Enfin, on ne peut pas tout avoir et on n’allait pas rater une occasion d’observer des baleines pour ce petit désagrément. Non ? Tout compte fait, nous finissons par arriver dans la baie de Whangaparapara qui est effectivement bien protégée.
Comme il fait gris, nous ne voyons pas immédiatement la beauté de la baie mais dès que le soleil se dévoile c’est autre chose. La baie est profonde et encerclée de montagnes : mont Whangaparapara, mont Hobson et les falaises de Te Ahumata. Seul petit bémol, il n’y a pas réellement de plage et c’est dommage pour les enfants. Heureusement plusieurs balades à terre permettent de se dépenser.
L’on peut notamment gravir assez facilement le mont Whangaparapara qui n’est pas très haut (309 mètres) mais d’où la vue sur la baie en contrebas est splendide. En cas de soleil radieux, le regard se perd jusqu’aux Mercury Islands et les îles du golfe d’Hauraki.
Nous quittons Great Barrier Island à regret mais il est temps de commencer à nous diriger vers la péninsule de Whangaparaoa où se situe la marina Gulf Harbour. Nous y avons réservé une place pour Ninamu, que nous laisserons à bon port le temps de notre voyage en camping-car.
Comme nous avons quelques jours devant nous avant de récupérer notre véhicule, nous faisons un petit détour vers Kawau Island. Ca souffle bien, dans les 35 nœuds en vent arrière, il fait gris mais nous sommes heureux car nous péchons notre premier King fish.
Kawau Island est connue pour ses wallabies importés d’Australie et introduits il y a plusieurs décennies mais malgré nos nombreuses balades, nous n’en verrons aucun cette fois-ci.
Dernière escale avant Gulf Harbour : Tiritiri Matangi Island.
Drôle de petite île qui fut complètement déboisée par les colons afin de servir de pâturage. Mais depuis 1994, des volontaires ont planté plus de 250 000 arbres afin que l’île retrouve son aspect initial. A présent, la forêt couvre 60% du territoire. De nombreuses espèces d’oiseaux ont également été réintroduites sur l’île. L’on surnomme à présent Tiritiri « l’île du chant des oiseaux » tellement le ramage de ces derniers est tonitruant.
Nous mouillons dans la très jolie baie de Fishermans Cove mais il nous est impossible de débarquer à terre en raison de la houle et de gros rochers à l’approche de la plage. C’est bien dommage car l’endroit est paradisiaque.
Comme le vent tourne et rend le mouillage inconfortable, nous allons nous réfugier de l’autre côté de l’île devant Hobbs Beach.
Le temps est radieux mais nous grelotons en raison d’un vent du sud qui est bien froid. La vue sur Auckland et ses volcans, notamment Rangitoto, est magnifique. C’est un peu surréaliste d’apercevoir au loin les buildings d’Auckland, ville où nous ne sommes jamais allés.
L’on fait la rencontre d’une sympathique famille kiwi à bord d’un minuscule trimaran. Le lendemain, nous sommes étonnés de ne plus les voir au mouillage malgré l’heure matinale. L’on se dit que l’on n’a pas du comprendre ce qu’ils nous avaient expliqué au sujet de leurs projets. Nous apprendrons plus tard que les rafales de vent les ont fait déraper durant la nuit et qu’en se retrouvant sur le récif, ils ont abimé leurs safrans. Heureusement, ils ont pu rejoindre la marina sains et saufs afin de réparer leur bateau.
Avant de nous diriger vers la marina de Gulf Harbour, nous prenons soin de les appeler afin de les informer de notre arrivée imminente (nous avions déjà confirmé par mail). Petite sueur froide lorsque la gérante nous demande de la rappeler car elle doit s’assurer que la place est libre ! Nous avons déjà réservé et payé notre camping-car qui nous attend dans quelques jours, il faut donc impérativement que nous trouvions un endroit sûr pour laisser Ninamu durant notre absence.
Au final, tout s’arrange, la marina nous trouve une place avec les super yachts et nous pouvons nous amarrer au ponton.