Après 6 mois passés à la Réunion pour raisons professionnelles, nous voilà de retour en Nouvelle Zélande.
Il nous aura fallu 25 heures d’avion, se trimbaler 160 kilos de bagages, gérer l’épuisement de nos enfants et quelques prises de tête avec des fonctionnaires de compagnies aériennes bornés (suspicieux car nous n’avions pas de billet d’avion de retour) pour enfin nous avachir dans des lits douillets à proximité de l’aéroport d’Auckland.
Le lendemain, nos copains Mervin et Shirley ont la gentillesse de venir nous chercher afin de nous emmener à Whangarei. Nous sommes crevés mais c’est avec un réel plaisir que nous assistons le soir même à un barbecue en l’honneur de l’anniversaire de Shirley. Toujours le même cérémonial : on se sert soi-même, on mange vite et on débarrasse !
Dès le jour suivant, Florent se lance dans le carénage de Ninamu et parvient à réparer notre chauffe-eau électrique dont le thermostat était cassé. Ce n’est pas une mince affaire car le dit chauffe-eau est situé sous les planchers entre les deux cabines arrières. Mais heureusement, grâce aux talents de contorsionniste du capitaine, nous allons pouvoir à nouveau nous doucher à l’eau chaude.
C’est une réelle émotion que de revenir à bord, chez nous. Et puis ce sentiment ressenti d’hypothétique liberté à venir lorsque nous nous remettrons à naviguer. Matéo ne semble avoir aucun souvenir du bateau, cela nous stupéfait : il a pourtant passé toute sa vie dessus moins les 6 mois à la Réunion !
La remise à l’eau (toujours stressante) se passe sans aucun problème et nous attendons que la marée monte totalement avant de nous engager sur la rivière, direction la marina Town Bassin de Whangarei. Nous comptons y rester quelques jours afin de finir de préparer Ninamu et de faire l’avitaillement. Mais en fin de compte, nous y resterons bloquer plus de 10 jours en raison d’une météo calamiteuse : pluie, froid et coups de vent. Nous sommes un peu gênés car Léopoldo, un italien rencontré à Rarotonga, attend notre place au ponton avec impatience et nous avons aussi l’impression de faire le forcing à la marina… Pourtant le jour du départ, le gérant de la marina s’excuse pour le mauvais temps et Léopoldo nous remercie chaleureusement de partir !!! C’est le monde à l’envers : c’est nous qui devrions remercier tout le monde pour avoir pu rester amarrer plus longtemps que prévu.
Une heure avant le départ, nous nous rendons compte que l’une de nos bouteilles de gaz est vide. A peine Florent débarque t’il sur le ponton avec sa bonbonne sur le dos que notre voisin (que nous ne connaissons pas hormis « bonjour-bonsoir ») se propose de l’emmener au magasin en voiture afin de la recharger.
Bon, cette fois-ci on y va. Enfin, on aimerait bien mais impossible de faire démarrer le moteur ! La batterie de démarrage est à plat ! Tant pis, Florent utilise les batteries de servitude et ça fonctionne, ouf !
Il ne manque plus qu’à prier pour que le pont s’ouvre même s’il fait 26° (et oui, les ingénieurs ne peuvent garantir le bon fonctionnement du pont au-dessus de cette température !), faire la queue derrière 3 voiliers (tout le monde attendait l’accalmie pour naviguer), s’assurer que ce soit marée haute et pas l’heure de pointe de circulation automobile (durant laquelle le pont ne s’ouvre pas).
Bon bref, tous ces critères étant réunis, nous parvenons enfin à nous extraire de Town Bassin et un sentiment de joie et de liberté nous envahit.
Nous allons mouiller en face du chantier nautique car Florent devra se charger le lendemain d’acheter une batterie de démarrage neuve. Ce n’est pas l’endroit le plus joli de Nouvelle Zélande mais ce soir-là, on le trouve magnifique. On se sent libres !
Nous appelons un très bon copain italien, Max, qui lui-même appelle d’autres copains afin de voir s’il pourrait trouver quelqu’un avec une voiture afin d’aller acheter la batterie. Très vite un réseau de solidarité et d’entraide se mets en place et le lendemain matin Florent est véhiculé pour aller acheter la batterie en ville. On se dit que c’est vraiment super que de pouvoir compter sur ses amis tout simplement quand on en a besoin et qu’on le leur demande.
Et on espère être à la hauteur de tant de gentillesse et de solidarité en rendant service nous aussi quand quelqu’un a besoin d’aide.
GREAT BARRIER ISLAND (BIS)
Nous quittons Whangarei Heads pour Great Barrier Island hyper heureux d’enfin reprendre la mer. Nous effectuons les 45 miles de navigation au près car c’est le seul jour de la semaine où le vent daigne souffler un peu. Nous mouillons dans la baie de Kaiaarara, endroit paisible et calme où l’on entend le chant des oiseaux. Nous sommes surpris par la faible concentration de bateaux en cette période de Noel mais c’est tant mieux.
Great Barrier Island est l’île des superlatifs : belle, sauvage, préservée, contrastée ; c’est un endroit que l’on adore en Nouvelle Zélande. L’île ne compte que 885 habitants et l’on aimerait bien augmenter sa faible densité de population de 4 personnes si cela était possible.
L’on peut et l’on doit aussi bien apprécier cette île en bateau qu’à pied ou en voiture. Il y en a pour tous les goûts : immenses plages de sable blanc avec des dunes contre lesquelles s’échouent les rouleaux de l’océan pacifique, forêts, montagnes, lagunes… C’est magique.
GBI est une île écologique : les habitants sont équipés de panneaux solaires ou de générateurs qui leur fournissent l’électricité dont ils ont besoin. Ils récupèrent l’eau de pluie et comme partout en NZ, ils pratiquent un recyclage farouche de leurs ordures. A ce sujet, les néo-zélandais ont un système très ingénieux pour pousser les gens à recycler. Ici point de taxe d’ordures mais les « sacs poubelle » homologués dans lesquels l’on doit mettre ses déchets sont payants. Ils s’achètent au supermarché (environ 2 dollar le sac). Si vous mettez vos poubelles dans un sac non conforme, les éboueurs ne le prendront pas. Par contre, tout ce que vous recyclez est gratuit : verre, plastique ou papiers se laissent sur le bord de la route dans des caisses et sont ramassés gratuitement. Si l’on parle autant des poubelles, c’est que lorsque l’on voyage en bateau, c’est l’un des problèmes que l’on a à gérer régulièrement même si à présent, nous n’avons plus de couches qui puent le caca.
Bien sûr dans la rue, il y a des poubelles publiques partout mais pour que les petits malins évitent d’y abandonner leurs ordures ménagères, elles sont équipées d’un couvercle inamovible ; impossible d’y introduire de gros sacs.
On trouve ce système bien et efficace car vous payez en fonction de la quantité de vos ordures (par le biais de votre consommation de sacs) et vous êtes encouragés à recycler.
Le beau temps semble s’établir alors nous en profitons pour nous balader. Nous sommes surpris par le nombre d’éboulis apparus depuis l’an passé ; l’île a subi de graves glissements de terrain dus à des pluies diluviennes survenues lors d’une tempête en juin 2014.
D’ailleurs le sentier qui mène à l’Old Kauri Dam et au sommet du mont Hobson depuis la baie de Kaiaarara (le Kaiaarara track) est fermé. Heureusement, il reste d’autres voies d’accès qui restent ouvertes.
Nous retrouvons nos copains du voilier Nomad au mouillage et c’est l’occasion de passer une bonne soirée tout en s’interrogeant, quarantenaires que nous sommes, sur la direction à donner à nos existences.
Après cette super escale, nous ancrons devant Port Fitzroy afin de nous débarrasser de nos poubelles et de faire des courses pour Noel. Puis nous levons vite l’ancre pour Smokehouse Bay car nous avons besoin de nous laver les cheveux ! Je m’explique : cette baie appartient à une famille qui a installé une cabane avec deux baignoires (eau chaude obtenue grâce à un poêle à bois), des bacs où l’on peut faire sa lessive et un fumoir à poisson dont l’utilisation est publique et gratuite. Il y a même des piles où l’on peut s’amarrer pour remplir de l’eau ou caréner à marée basse…
Nous partons à la pêche aux moules juste devant le mouillage, on en remplit des seaux entiers. Les enfants adorent ça ! L’on fait la rencontre de Nicolas, Sacha et de leurs deux garçons Arix et Khai ; une famille franco-sudafricaine installée en NZ depuis 3 ans. Ils sont tellement sympas que de ramassage de moules en apéro, on finit par passer le réveillon de Noel ensemble ! Nous passons une très bonne soirée à la bonne franquette. Ils devront subir ma désormais traditionnelle brique de Noel, caramel-chocolat pour le cru 2014, mais trop cuite pour cette tentative.
Cela peut paraitre curieux que de passer le réveillon de Noel avec des « inconnus » rencontrés quelques heures auparavant mais il en est ainsi lors de la ‘vie en bateau’. Les liens se nouent (et se dénouent parfois) rapidement. Mais je m’interroge quand même sur la complexité des relations sociales lorsque l’on vit à terre ; cela semble parfois si difficile de nouer de nouvelles amitiés... Ou peut-être, les gens n’ont-ils pas le temps ou la curiosité d’aller à la rencontre de nouvelles personnes ? Pourtant, lorsque l’on observe les enfants, l’on voit que ces liens se font si simplement et naturellement. En grandissant, on désapprend à parler aux autres, à communiquer, et c’est dommage.
Ceci dit, il ne faut pas se leurrer : ce n’est pas parce que nous appartenons à « la grande famille des marins » que nous avons forcément des affinités. Parfois nous sommes déçus par nos rencontres.
Le jour de Noel, les enfants surexcités découvrent leur trop nombreux cadeaux (merci les grands parents, merci les taties) disposés sous notre minable branche de Noel. Maya qui nous a surpris la veille en train d’empaqueter les jouets est dans le déni et veut toujours croire au père Noel. Nous sommes stupéfaits car malgré les nombreuses incohérences, elle s’émerveille des prodiges de celui-ci et de son efficacité en matière de livraison ! Bon, laissons la rêver…
Pour digérer de tous nos excès, nous allons nous balader sur un joli sentier qui mène à Oneura Bay de l’autre côté de l’île. Il faut de préférence s’y rendre à marée basse afin de profiter de la plage ou sinon on doit se contenter de rester sur les rochers en bordure de mer.
Le lendemain, nous ancrons à Kiwiriki Bay, joli mouillage en bord de mangrove. Il y a de plus en plus de bateaux, les vacanciers plaisanciers affluent d’Auckland mais dès l’aube, tout comme nous, ils se hâteront de déguerpir car à la tombée de la nuit nous avons dû affronter des hordes de moustiques voraces.
Nous empruntons la petite passe (étroite mais profonde) appelée Man of War Passage afin de nous rendre à Rangiahua Island. L’île pelée est jolie sous le soleil. Quelques dauphins nous rendent visite à l’arrière du bateau mais ce n’est qu’une escale et nous naviguons vers Tryphena Harbour le mouillage situé le plus au Sud de GBI. Ce coin ne nous attire pas particulièrement mais il semblerait (enfin c’est ce que nous croyions) que ce soit une « grande » ville où l’on pourrait faire des courses pour le réveillon de la St Sylvestre. Les photos de Tryphena de David Thatcher dans son guide de navigation « New zealand’s Hauraki Gulf » sont si moches, grises et déprimantes que nous ne pensions faire qu’une escale de quelques heures.
Nous nous sommes souvent moqués de David Thatcher (dont les guides nautiques sont excellents) car ses photos sont souvent grises, à croire qu’il ne navigue que par temps de pluie ! Mais en ce qui concerne Tryphena, lorsque le soleil brille, cette grande baie est magnifique ! La couleur de l’eau prend des tonalités de lagon polynésien (mais pas la température quand même) qui nous rendent nostalgiques. Le front de mer est sublime avec ses jolies plages qui découvrent à marée basse, ses massifs rocheux calcaires et surtout ses imposants pohutukawa aux fleurs d’un rouge intense.
Nous mouillons dans la baie de Puriri prenant soin de ne pas nous coller aux autres bateaux. Lorsque nous partons pour une longue journée, l’accès à terre n’est pas toujours aisé en raison des marées. Il y a plusieurs rampes pour la mise à l’eau des bateaux mais notre lourde annexe n’est pas toujours facile à tirer sur des dizaines de mètres.
Puriri Bay et Mulberry Grove ont notre préférence, c’est là que l’on trouve des épiceries assez bien achalandées et aussi des jeux pour enfants. Il est également possible d’effectuer sa lessive dans une laverie située juste à côté de l’épicerie de Mulberry Grove mais attention à la file d’attente en pleine saison estivale ! Le pauvre Florent y a passé 3 heures…
Shoal Bay où se trouve le quai des ferry a un peu moins d’intérêt hormis celui de pouvoir se débarrasser de ses poubelles dans les grands contenairs du quai.
Le samedi matin se tient un tout petit marché devant l’épicerie de Tryphena à Puriri Bay. Nous y revoyons Kaity la maraichère d’Okiwi Passion dont nous avions fait la connaissance l’an dernier. Quelle joie de la revoir d’autant plus qu’elle nous annonce que Gérald son compagnon vient de recevoir une greffe de rein après une longue attente qui le contraignait à 3 séances de 6 heures de dialyse par semaine ! Nous sommes sincèrement heureux pour lui et l’on croise les doigts pour que son greffon ne soit pas rejeté.
Quant à Kaity, elle est toujours aussi chaleureuse et ses légumes bio toujours aussi gouteux !
Dans la rubrique mauvaise nouvelle, nous venons de constater que notre dessalinisateur est en panne ce qui va sensiblement nous compliquer l’existence, du moins empiéter sur notre liberté de mouvements. Nous devons rationner notre consommation d’eau encore plus que d’habitude car ce n’est pas à GBI que nous pourrons trouver un spécialiste capable de nous le réparer. Il nous reste 200 litres d’eau douce et il faudra tenir au moins 4 jours avec pour la cuisine, la toilette, le rinçage final de la vaisselle…
L’on a connu la vie à bord avec et sans dessalinisateur et en ce qui me concerne, je ne pourrai plus m’en passer. Pouvoir produire notre eau (60 litres par heure et grâce aux panneaux solaires) est le gage de notre liberté. Plus besoin de modifier nos projets de navigation en fonction des lieux où nous pourrions remplir nos réservoirs.
Pour l’heure, il va falloir retourner à Auckland afin de faire venir à bord un technicien capable de diagnostiquer et de réparer la panne. On espère que la facture ne sera pas trop salée…
La météo nous sourit, il fait beau et nous n’avons plus d’excuses pour ne pas aller dans l’eau. Comme l’an passé, ce sera Matéo (le plus courageux des Gachod ) à s’y risquer le premier. L’eau avoisine les 22 degrés, on ne peut pas dire qu’elle soit glaciale mais pour nous, c’est rude.
Régulièrement, les dauphins batifolent au mouillage et l’on suspecte même une baleine d’avoir arrosé notre jupe un soir ! Un souffle juste à l’arrière de Ninamu combiné à une grosse vague nous a convaincu de la présence du cétacé. GBI est connu pour la présence des baleines, nous en avions d’ailleurs observé l’an dernier. Ce qui est surprenant, c’est qu’elle se soit autant approché du voilier, une erreur de sonar peut être… En tous cas, une grosse surprise agrémentée de frayeur pour nous !
En nous rendant à l’épicerie de Mulberry Grove, nous espérions trouver quelques douceurs pour les fêtes ou du moins du saumon fumé, que nenni ! Après discussion avec le patron (d’origine hollandaise) celui-ci comprend nos exigences culinaires d’européens qui plus est d’européens français et nous propose de nous ramener du saumon d’Auckland le lendemain. Pour le taquiner, je lui demande où se trouve le foie gras et très sérieux, il me répond : « tu ne l’as pas vu dans le frigo derrière toi ?! ». Naïve comme une bleue, je me dirige avidement vers le frigo avant qu’un éclat de rire me fasse prendre conscience de la plaisanterie.
Le lendemain, l’épicier a tenu sa promesse : le saumon fumé pourra égayer nos papilles pour le réveillon. Il semble avoir eu un coup de chaud mais bon, on ne va pas faire les difficiles. Sa femme a eu une attention charmante pour nous, elle a dégoté au supermarché d’Auckland une boite de mousse de canard qu’elle nous revend au prix coutant. Plus que de foie canard, la mousse est plutôt constituée de graisse et de foie de porc et seule l’appellation « Duck mousse » semble nous rattacher à la gastronomie du Sud-Ouest. Florent fait une moue que l’épicier perspicace ou gourmet a vite fait de repérer. Il a compris que mon époux en bon toulousain qu’il est se sentait insulté par cet ersatz de foie gras. Mais que ma belle-mère me pardonne, j’ai fini par acheter la boite de conserve par respect et courtoisie envers cette dame hollandaise qui avait si gentiment pensé à nous…
Il est assez difficile de mouiller sur la côte Est de l’île car elle est exposée aux vents dominants. Nous projetons donc de nous y rendre en voiture afin de profiter de ses plages sauvages. A chaque fois, c’est toujours la même stupeur face au contraste entre les côtes Ouest et Est de l’île ; dès que nous passons le col de vastes panoramas spectaculaires s’ouvrent devant nos yeux ébahis. Nous longeons à pied les plages de Medlands et de Kaitoke enivrés par l’océan qui gronde. Matéo a peur des vagues : de se faire emporter mais aussi des hypothétiques requins. Merci le séjour à la Réunion !
Malgré ce que nous avions juré l’an dernier (ne plus jamais manger dans cet endroit de notre vie ) et notre écœurement passé, nous nous rabattons sur le Claris Texas Café (nom bien pompeux) pour notre déjeuner. Solution de facilité alliée à des brides d’amnésie gustative…
Alors, comment dire ? Une réelle amélioration a été apportée à la carte : ils ont enfin consenti à changer l’huile de friture des frites et celles-ci étaient moins cramées que l’année dernière ; tout cela sans sentir le graillon et le poisson ! Bravo !
Mais hélas malgré ce changement hautement positif, la viande de nos hamburgers était absolument dégueulasse : d’aspect, de « goût » et de consistance. Les steaks hachés devaient être constitués de 10 % de viande (on espère de bœuf…) et le reste de… déchets ? Je n’avais jamais vu auparavant des steaks d’aussi mauvaise qualité ! A ce tarif-là, mieux vaut rester végétarien !
L’on confirme donc notre appréciation négative sur cet endroit : à éviter !
Comme il nous a été impossible de louer une voiture en raison de la très haute saison touristique, nous nous essayons au stop. Malgré quelques galères à l’aller, nous sommes beaucoup plus chanceux pour rentrer à Tryphena : dès que nous levons le pouce, les voitures s’arrêtent.
Une petite halte à la plage sous un soleil radieux, tout le monde à l’eau et nous voilà de retour sur le bateau pour une soirée qui s’annonce aussi agréable que la journée.
Hum, c’était sans compter sur nos « chers » et bruyants voisins que nous qualifions successivement de petits cons, de jeunes cons, de stupides cons (et j’en passe) ; qui passablement éméchés hurlent et dansent sur de la musique dont le volume est au maximum. Nous nous empressons de lever l’ancre pour aller mouiller un demi kilomètre plus loin, rapidement imités par d’autres bateaux du mouillage.
Et oui c’est l’un des avantages de la vie sur un bateau : l’on peut s’éloigner des nuisances de ses voisins facilement.
En ce qui concerne les cons, nous aussi sommes certainement des vieux cons pour ces jeunes qui désirent s’amuser mais bon, il y a quand même un minimum de respect et de savoir vivre à avoir !
Nous passons un réveillon de la St Sylvestre tranquille en famille au mouillage ; même si celui-ci est beaucoup moins risqué que celui de l’an passé, les prévisions météorologiques annoncent un petit coup de vent pour la nuit avec inversion du vent à 180°. Nous sommes méfiants et le cœur n’est pas tout à fait à la fête car la baie de Tryphena est très ouverte.
Ceci dit, le petit grain de la nuit nous permettra de recueillir un gros seau de pluie qui nous servira, à Maya et à moi, de nous laver la tête.
Le dîner composé de saumon fumé trop gras, de blinis ratés, de « mousse de canard » infâme et d’un gâteau chocolat amande cramé est donc un peu raté. Le pinot noir néo-zélandais n’est pas à notre goût et même les belles pièces de bœuf au barbecue sont trop cuites. Mais bon, tout ceci n’est pas très grave.
Très tôt le lendemain, la houle de Sud-Ouest nous houspille et les bateaux fuient le mouillage les uns après les autres. Sans trop y avoir réfléchi et s’être préparés à naviguer, nous décidons sur un coup de tête de remonter vers la baie de Wangaparapara qui sera plus abritée.
En ce premier jour de l’an 2015, la navigation au travers est agréable et le soleil revient. Mais à l’intérieur du voilier, rien n’est calé et beaucoup de choses se cassent la gueule faisant dire à Matéo : « maman ! y’a un tremblement de terre dans le bateau ! ».
Nous avons bien fait de changer de mouillage car la baie de Whangaparapara est quand même mieux abritée et sous le soleil elle nous parait beaucoup moins tristounette que l’an dernier.
Le lendemain, nous nous rendons au pique-nique annuel de l’île, l’ambiance est conviviale mais le soleil qui tape dur nous écrase. Nous n’allons pas nous plaindre d’avoir enfin chaud mais le rayonnement solaire nous fait rôtir sur place. La Nouvelle Zélande est l’un des pays au monde les plus exposés aux radiations solaires. D’ailleurs, la tente des secouristes est équipée de grosses bonbonnes de crème solaire indice 50 pour prévenir le mélanome. C’est curieux car si la plupart des parents kiwis protègent très bien leurs enfants (lycra, crème, chapeau), certains semblent complètement inconscients du danger et laissent griller leurs bambins façon écrevisse.
Nous sommes « coincés » dans la baie de Whangaparapara en raison du vent et de la houle de Sud-Ouest. Bon, il y a pire pour attendre que Great Barrier Island, en plus nous sommes loin d’avoir fait le tour de l’île. Heureusement, il y a un quai où nous pouvons remplir nos réservoirs d’eau potable monnayant une petite obole. Car le dessalinisateur est toujours en panne et il faut que nous nous rendions à Auckland pour le faire réparer. Mais Auckland est justement située en pleine direction Sud-Ouest, à 40 miles et nous n’avons pas envie de les parcourir au moteur avec le vent dans le nez alors on attend que le vent souffle dans la bonne direction…Il ne faut pas être pressé lorsque l’on voyage en voilier.
Nous profitons de cette escale pour aller randonner. Avec les enfants, nous faisons une balade facile : un chemin plat mène en 30 minutes aux Kauri Falls où une jolie vasque permet de se baigner. J’en profite pour faire une boucle vers le mont Maungapiko (280 mètres) au sommet duquel la vue est dégagée à 360° ; mais de là, l’on n’aperçoit pas la baie de whangaparapara. Par contre au sommet, l’on peut se réapproprier le silence juste troublé épisodiquement par le chuintement du vent, le ramage des oiseaux ou le bruissement des insectes. Cela peut paraitre cucul la praline d’écrire cela mais entendre à nouveau tout simplement les bruits de la nature est pour moi, un ravissement.
Le lendemain, nous changeons de mouillage, direction Okupu Bay où nous ne sommes jamais allés. L’on espère pouvoir y capter un signal internet et aussi accéder à Claris plus facilement afin de faire des courses car c’est horrible : nous n’avons plus de bières.
Okupu Bay ou Blind Bay est une baie magnifique surplombée par des falaises calcaires appelées Te Ahumata. Trois jolies plages permettent la baignade, parfois en compagnie de dauphins espiègles. Lorsque l’on tente de les suivre en annexe et de les prendre en photos, ils font des bonds hors de l’eau puis passent sous le dinghy et changent de direction. Ils sont si taquins que ça en devient épuisant ! J’abandonne l’espoir de faire une photo de dauphin digne de ce nom un jour.
De manière incompréhensible, peu de bateaux mouillent à Okupu Bay, il faut croire que ceux sont les plaisanciers qui sont aveugles et non la baie, pour ne pas en voir la beauté !
Le lendemain, Florent tente une « expédition » vers Claris car nous avons besoin de ravitaillement. Hélas, après une heure passée sur la route à attendre qu’une voiture daigne passer, il abandonne sa mission car il y a une bonne vingtaine de kilomètres aller-retour et il ne se voit pas les faire à pied.
Alors que nous sommes dans le cockpit, nous voyons un bateau à moteur foncer droit sur nous à vive allure (on espère qu’il nous ait vu) ; celui-ci ralentit sa vitesse à bonne distance avant de passer à côté de nous. Nous en profitons pour les saluer comme nous le faisons toujours même si tout le monde ne répond pas forcément (ce qui m’énerve invariablement).
Une minute plus tard, le même bateau fait demi-tour et deux pêcheurs tout souriants viennent à notre bord afin de nous proposer un beau snapper. Nous sommes fous de joie ! On ne sait pas comment les remercier, nous n’avons même plus une bière à leur offrir. Mais de toutes manières, ils ne veulent rien, ils nous disent qu’ils ont pêché plein de poissons et nous en proposent même un deuxième ! Un pur acte gratuit de générosité. Car ce n’est pas toujours parce que l’on a beaucoup que l’on partage forcément avec les autres.
Les enfants sont à la fête, cela fait une éternité que nous n’avons pas mangé de poisson et on commence à saturer de la viande. Ce soir, poisson au four ! Manquera juste le sauvignon blanc bien frais… Alors l’après-midi, Florent décide de retenter une « expédition Claris » afin de se rendre à l’épicerie.
Cette journée du 5 janvier 2014 restera gravée dans nos mémoires pour un bon moment car en plus de la générosité de nos pêcheurs, nous assistons à un show spectaculaire de dauphins qui durera plus de 8 heures !
Vers 11H30, un groupe d’une cinquantaine de dauphins (Florent dit plutôt cent) rentre dans la baie d’Okupu et se mettent à batifoler et à sauter dans tous les sens. Trois d’entre eux sont particulièrement joueurs car ils sautent ensemble de manière synchronisée verticalement. On se croirait dans un de ces affreux delphinarium (prison pour dauphins qui sont des animaux sauvages je le rappelle si besoin). Ils parcourent la baie de long, en large et en travers ! Ils semblent courser les bateaux, les kayakeurs, les paddle-boarders et les nageurs ! Ils s’approchent à quelques mètres du rivage de la plage et semblent de toute évidence chercher le contact avec les humains. Tous les témoins sont stupéfaits, y compris les kiwis, qui me font des signes du genre « mais c’est incroyable ! Nous n’avons jamais vu ça !!!! ». Nous non plus à vrai dire.
Nous avons déjà croisé en navigation de grands bancs de dauphins joueurs mais jamais nous n’avons ressenti cette… proximité ? Florent (à la nage), Maya (en kayac) et moi (du bateau) faisons la même expérience : les dauphins nous regardent dans les yeux !
Pour le coup, Florent oublie les 18° de l’eau et saute dans la mer pour nager avec eux. Là, il n’a plus froid. C’est une expérience magique. On se relaie dans l’eau afin que l’un d’entre nous surveille Matéo resté à bord. A plusieurs reprises alors que je nage avec les dauphins (en palmant comme une tarée car ils sont hyper rapides), l’un d’entre eux ralentit sa course et nage à ma vitesse pour que nous restions ensemble en laissant filer les autres devant.
Mais le plus marquant est quand ils s’inclinent sur le flanc et nous regardent de leur regard perçant durant plusieurs secondes. Ils semblent nous sourire et s’amuser de nos tentatives pataudes (en tous cas les miennes) pour les suivre…
Ces grands dauphins gris (qui mesuraient dans les 3 mètres) nous ont ébahis. Ils s’agirait de tursiops truncatus, appelés ici bottlenose dolphin. C’est dans ces moments-là que l’on se sent vraiment reliés à la nature par un je ne sais quoi.
Ils ont poursuivi leur show jusqu’à la tombée du jour puis s’en sont allés comme ils étaient venus.
Quelques jours après nous avons appris qu’ils avaient réitéré leur spectacle dans la baie d’à côté le lendemain, et des personnes ont ressenti exactement la même choses que nous : les dauphins les regardaient dans les yeux.
Comme vous pouvez vous en douter, nous avons pris quelques 200 photos mais n’est pas photographe animalier qui veut et les seuls clichés un tant soit peu valables (du style deux dauphins qui sautent verticalement en même temps devant deux nageuses) ont été malencontreusement supprimés par une fausse manipulation alors que nous regardions nos photos en buvant du sauvignon…
Et oui, c’est que dans cette euphorie, Florent a décidé de retenter d’aller à Claris en autostop pour faire des courses. Il patiente une bonne demi-heure sur la route trop ensoleillée et finit par abandonner tout espoir quand il aperçoit la voiture du facteur. Celui-ci très sympathique l’embarque dans son véhicule mais il doit au préalable finir sa tournée ! Il expliquera à Florent que les dauphins viennent à la même période tous les ans dans la baie d’Okupu. Quelle chance nous avons eu de les rencontrer !
Le soir, nous passons une très agréable soirée grâce aux pêcheurs, grâce au facteur et bien sûr aux dauphins. Et nous trinquons à tout ce beau monde !
Le lendemain, j’abandonne l’équipage pour aller au sommet de Te Ahumata, ces belles falaises qui « culminent » à 398 mètres. C’est une très jolie randonnée que j’aurai pu faire en compagnie de Maya, dommage. Sur le parcours et au sommet, la vue à 360° est sublime. Il fait tellement beau que la visibilité porte très loin vers les Mercury Islands et les îles du Gulf d’Hauraki.
De retour au bateau, un autre spectacle de la nature nous attend : une nuée d’oiseaux chasse dans la baie. Ce sont des fous et leur comportement est saisissant car assez inhabituel dans un mouillage.
Cette baie d’Okupu est vraiment incroyable !
D'ailleurs encore quelques photos de la baie d'Okupu, on ne résiste pas mais cet endroit vaut vraiment le coup d'être visité si les conditions météo le permettent.
Aujourd’hui, c’est le festival annuel de la moule à Great Barrier Island, comment rater un tel événement ?
Ce qui paraitrait être une blague potache draine en réalité une foule de bateaux ; et arrivés devant Port Fitzroy, il nous est tout simplement impossible de mouiller ! Une centaine de yachts occupent le moindre espace libre du mouillage dans la baie et celles d’à côté ! Nous sommes complétement frustrés et désappointés mais nous aurions dû anticiper en arrivant la veille.
Tant pis, c’est le seul jour où nous avons une bonne fenêtre météo pour rejoindre Auckland alors nous reprenons la mer. Nous parcourons les 40 miles assez rapidement avec un vent de Nord-Est qui souffle à 25 nœuds. Nous pêchons un petit King Fish de 50 centimètres qui nous régalera durant plusieurs repas.
Les enfants (comme toujours) sont fous de joie d’aller à la marina où l’on peut prendre des douches chaudes avec de l’eau en abondance, faire de la trottinette et aller au parc de jeux pour enfants.
Côté parents, on a hâte de faire réparer notre dessalinisateur et de repartir naviguer.