Nous quittons Les Roques au petit matin, sans regret. Cap à l’ouest vers l’archipel des Aves de Barlovento qui appartient aussi au Venezuela. Cependant nous sommes beaucoup plus zen car tous les témoignages récoltés affirment qu’il s’agit d’une sorte de zone franche où les contrôles sont inexistants. Ouf, on va pouvoir se détendre !
Nous avons 30 miles à parcourir, encore et toujours au portant. Hélas, nous ne pêchons rien à la traîne, ce qui va commencer à devenir problématique car nos provisions de nourriture s’amenuisent. Voilà près de 15 jours que nous avons quitté Grenada et nous n’avons plus de fruits, ni de légumes, ni d’œufs, ni de laitage et encore moins de viande ! La monotonie des repas à base de pâtes-riz-poissons du lagon commence à se faire sentir…
A notre arrivée aux Aves de Barlovento, une raie manta nous accueille en virevoltant à la proue de Ninamu ; instant magique.
Au mouillage, nous ne trouvons que quelques barques de pêcheurs et un bateau à moteur. Nous jetons l’ancre dans une baie déserte et décidons d’aller visiter le « monument aux bateaux » dont nous avaient parlé nos copains d'"Imagine" rencontrés en Polynésie il y a quelques années.
Il s’agit d’un endroit situé derrière la mangrove où les voiliers laissent une trace de leur passage : sculptures, pancartes, gravures concoctés à base de matériaux locaux (coquillages, corail, bois flotté…).
Souvent, il y a une date et mince alors, nous venons de « rater » un voilier avec enfants à bord ! Nous ramassons bois et galets afin de fabriquer notre œuvre le soir même.
En émergeant de la mangrove, nous sommes surpris de voir une barque avec deux hommes à bord qui semblent nous attendre. L’on se dirige vers eux et une fois les présentations faites, il s’avère qu’il s’agit de la Guarda Costa qui nous « cueille » dès notre arrivée ! Nous sommes stupéfaits et dépités. Le jeune garde est très cordial mais il nous explique que nous ne pourrons rester plus de 24 heures en transit. Nous voilà, bien embêtés et bien déçus. L’on essaye de lui expliquer que nous nous sommes déjà fait « checké » par les militaires des Roques, lui proposons de voir nos passeports et les papiers du bateau mais rien n’y fait. L’on doit faire notre « entrée » aux Aves de Sotavento avant de venir à Barlovento nous explique-t’il. Le problème est que l’on n’a absolument pas envie de se taper 20 miles aller-retour avec le vent et la houle dans le nez juste pour aller rendre visite à la Guarda Costa ! Et puis, l’on est à juste titre un peu remontés contre eux alors qu’ils ne nous embêtent pas !
L’on parlemente tellement, en brandissant nos enfants tels des mendiants pour obtenir l’aumône, que le militaire finit par nous dire qu’il va contacter Sotavento par radio pour demander si l’on peut rester 4 jours comme on le souhaiterait.
L’on attend alors son retour avec anxiété mais il ne revient jamais ! L’on en conclue qu’on a le droit de rester et l’on reste.
Ce qui nous agace, c’est que l’on ne fait absolument rien de mal : on regarde les oiseaux, on nage, on ne pollue pas et l’on pêche juste quelques poissons perroquet pour s’alimenter mais rien de plus (sachez que la pêche n’est pas interdite).
Par ailleurs, il n’y a rien sur les Aves de Barlovento hormis des oiseaux alors on ne comprend pas pourquoi ils nous harcèlent (les douaniers pas les oiseaux) !
On se dit que les zones de liberté sur la mer sont de plus en plus restreintes, hélas…
Les Aves de Barlovento sont un véritable labyrinthe de récifs, de bancs de sable et de patates de corail mais avec une bonne visibilité, il est facile de s’y frayer un chemin. Nous passons nos journées à regarder les multitudes d’oiseaux : pélicans, frégates, fous à pattes rouges.
Florent pêche quelques poissons afin de nourrir sa famille.
L’on organise des séances nettoyage de plage avec feu de joie à la clé (et oui, c’est bien beau de ramasser les déchets mais le camion benne ne viendra pas les chercher alors la seule solution est de les brûler). Nous sommes très étonnés par l’amoncellement de bouteilles en plastique que la mer rejette sur ses rivages (environ 90% des ordures récoltées). Les savates, les bidons d’huile de moteur (jetés par les pêcheurs ?) ainsi que les emballages cosmétiques ont aussi la part belle.
Le temps s’écoule paisiblement mais nous manquons de vivres et il faut penser à aller se présenter aux autorités des Aves de Sotavento comme nous l’avons promis à notre jeune garde côte.
Vent arrière, il n’y a que 10 miles à parcourir, mais l’allure n’est toujours pas confortable. L’on maudit les hameçons de notre leurre car nous perdons deux petits barracudas coup sur coup alors que l’on essaye de les remonter à bord.
L’on jette l’ancre dans la baie juste en face de la station de la Guarda Costa. Mouillage inconfortable, peu profond et avec une grosse houle, on est vraiment là parce qu’ils nous ont demandé de le faire ! Mais quelle galère ! A peine arrivés, voilà les gardes côtes qui nous abordent en nous disant que le mouillage est interdit car c’est une zone militaire ! Quoi ? Cet îlot avec ce bout de plage et ses 3 maisonnettes ? Ils nous précisent que l’on peut toutefois mouiller dans la mangrove ou dans les petits îlots du Nord de l’archipel. Ils tournent autour de Ninamu avec leur barque jusqu’à ce que l’on remonte l’ancre ! Quel cinéma ridicule ! Mais qu’est ce qu’on en a faire de leur cahute sur la plage ?! Ou bien avons-nous l’air de méchants terroristes entre Mateo qui tète et Maya qui saute sur le pont en chantant ? Et nos passeports, ils ne veulent plus les voir ?
Bon, on dégage, direction Isla Palmeras. On mouille entre les deux petites îles, la houle nous houspille, une patate de corail fait la bise à la quille de Ninamu, le temps se couvre… cette escale commence fortement à nous déplaire !
C’est fou comme notre état d’esprit peut dépeindre sur notre perception des choses car ce mouillage ne nous séduit pas du tout alors que d’autres équipages l’avaient trouvé fantastique…
Allez basta ! Nous décidons de mettre les voiles dès le lendemain à l’aube, afin de parcourir les 45 miles nous séparant de l’île de Bonaire.